Maîa (2019)
Un poste frontière avec ses gardes qui gardent. Ils vérifient que rien ne passe mais rien ne se passe. Ils restent, ils le doivent, seuls leurs rêves les évadent. Rien ne doit franchir. Pourtant autour du poste les choses bougent, se déplacent et parfois traversent. En un instant leur doutes surgissent et leurs cauchemars prennent forme, ces figures à l’extérieur ont parfois un visage familier, leur ressemblent, comment les distinguer ?
Tout se mélange, les rôles s’inversent et on ne sait plus de quel côté on se trouve. Cette frontière n’est peut-être qu’un miroir au travers duquel nous oublions qui nous devons être et grâce auquel on se découvre réellement.
Metteur en scène : Mattia Maggi
Comédiens : Guilhem Loupiac, Tom Verschueren, Eliot Maurel, Clément Baudoin, Jonathan Aubart, Mattia Maggi
Musique : Jonathan Aubart, Eliot Maurel
Lumières : Charly Chevalier
Son : Morgan Beaulieu
Scénographie : Association CPR
« Jusqu'à quel point accepte-t-on la différence ? Quels processus entrent en jeu lorsque l'on décide qu'elle devient un danger ? Ces questions, potentiellement à l'origine de l'enfermement dans ces communautés "homogènes", finissent inévitablement par seposer à l’intérieur de ces enclos pour ainsi recréer le même processus d'exclusion et d’enfermement. »
Mattia Maggi, metteur en scène Maîa (2019)
Note d'intention
En choisissant comme point de départ une guérite de frontière, Maîa raconte le quotidien des vies qui gravitent autour de cet endroit de passage. En mettant au centre de la dramaturgie les vies des gardiens qui contrôlent la zone, notre parti pris parle du point de vue de ceux qui y travaillent. Nous avons voulu explorer l’humanité de ces gardes pour parler des doutes, des difficultés, des désirs, et des règles auxquels ils sont soumis.
Nous avons ainsi donné des formes et des silhouettes indéfinissables aux figurant qui tentent de traverser cette frontière. Comme si ces êtres, aux yeux des gardiens, étaient presque dépourvus d’un aspect humain. En faisant le choix de donner à voir cette version décalée de la réalité, nous avions envie de parler des peurs et des fantasmes qui naissent en nous face à l’inconnu. Nous nous sommes demandé : si notre vision du monde était déformée, est-ce que nos réactions seraient déformées en conséquence ? Deviendrions-nous tout à coup partie intégrante de cette réalité déformée, transformée en nos pires fantasmes jusqu’à perdre notre humanité ?
Si le propos de ce projet fait écho aux vagues migratoires, aux nouvelles frontières qui jaillissent et à celles qui se durcissent, ce spectacle ne cherche pas à expliquer ni à interpréter l’actualité à laquelle nous sommes confrontés. Nous avons voulu explorer ces dynamiques présentes dans nos sociétés depuis toujours, sans en chercher le caractère politique ou social, mais simplement humain.
Comme pour la précédente création, les personnages sont à cheval entre l'acteur et le rôle interprété. Nous utilisons ainsi le quatrième mur qui, en restant relativement souple, permet à la fiction de déborder dans la réalité de la représentation tout au long du spectacle. Nous avons poussé l'absurdité, l'ironie et l'humour de certaines situations en s’inspirant d’artistes comme Charly Chaplin, James Thierée, la compagnie Peeping Tom, les Monty Python et bien d’autres. Une ironie que nous considérons importante pour mieux saisir les drames sous-jacents qui se jouent. Nous gardons néanmoins comme objectif principal de ne jamais tomber dans la caricature. De la même façon, nous ne portons pas de jugement sur les personnages et les situations que nous présentons ; au public de tirer ses propres conclusions.
Après un travail de recherche et de documentation à travers romans, articles, nouvelles, pièces de théâtre, documentaires, mais aussi musique, peinture, sculptures, nous écrivons la dramaturgie en improvisant à partir d’extraits choisis pour ensuite retravailler, préciser et fixer les moments que nous considérons être au cœur du propos. Nous utilisons un langage à la croisée des différents arts que sont le théâtre, la danse, le cirque, la musique et le chant tout en gardant le corps comme moyen d'expression principal.
Et, bien que nous ayons suivi un fil conducteur tout au long de l’écriture de la pièce, nous pouvons nous laisser surprendre par des idées surgissant des improvisations et ainsi leur donner une place prépondérante au sein de la création.
Genèse
L’envie de ce projet est née pendant que je faisais des recherches pour la précédente création de la compagnie, Rosie, et en particulier lors de la lecture d’articles sur les colonies israéliennes en Palestine et les dynamiques de violences pouvant être causées, d’un côté, par la ségrégation du peuple palestinien et, de l’autre, par l’autoenfermement israélien. En partant de l’envie de parler de l’enfermement, du sentiment d’insécurité et de la
violence qui en émanent, nous avons emprunté plusieurs axes de recherche pour finalement focaliser le travail sur un élément symbolique de la division entre deux pays : le poste-frontière.
Comme pour le précédent spectacle, Rosie, nous n’avons pas voulu parler d’un territoire en particulier car les dynamiques que nous voulions explorer peuvent être considérées comme universelles à toute frontière.
Rosie parlait de la façon dont l’homme parvient à trouver des modalités pour continuer à vivre
dans un pays en guerre et à garder son humanité dans un climat de violence en renforçant les liens
à l’autre. Cette nouvelle création continue d’interroger notre envie de parler des mouvements qui façonnent le monde d’aujourd’hui. Maîa questionne ce besoin de créer ou recréer des frontières pour se séparer des autres. Ces « autres » qui, au fil des siècles, ont changé de visage, d’horizon, d’ethnie, nous posent cette question : à quel moment risquons nous de devenir les « autres » ?
Mattia Maggi, metteur en scène de Maîa (2019)
La presse en parle
Relikto - Magazine et agenda culturel normand (avril 2019)
Maîa interroge les raisons pour lesquelles les êtres réussissent à s’éloigner les uns des autres jusqu’à créer des violences. [...] À ce sujet sérieux et dramatique, la compagnie Paon dans le ciment y a ajouté de l’humour, un ton grinçant et une pointe d’absurdité. « Sans jamais tomber dans la caricature », insiste Mattia Maggi. Maîa raconte avant tout la fragilité des hommes.