Hune (2021)
Actuellement en tournée
Emmené par le “mouvement” des marches, Hune raconte une jeunesse qui passe ses journées dans les cages d’escalier. Les marches se transforment en lieu de discussion de tous les possibles. On s’y dispute, on s’y réconcilie, on y habite ; la vie bouillonne sous les pierres aussi intensément que sur le béton ! Ce spectacle pose un regard tendre et humoristique sur l'absurdité du quotidien. Porté par l’élégance des corps, l'énergie du mouvement et la musique jouée en live, Hune explore avec finesse la poésie brute et viscérale des espaces urbains.
Date de création : 2021
Metteur en scène : Mattia Maggi, Tom Verschueren
Comédiens : Mattia Maggi, Tom Verschueren
Création sonore et musique live (en alternance) : Jonathan Aubart, Eliot Maurel
Regards extérieurs : Clément Baudouin, Lucie Dordoigne, Eléonor Gresset, Guilhem Loupignac
Collaboration artistique, régie de tournée :
Clément Baudouin, Lucie Dordoigne, Guilhem Loupignac
"Donnons un peu de notre temps pour entrevoir l’architecture de notre monde, de notre quartier, de notre vie. S’émerveiller de la voir si complexe, absurde et belle"
Tom Vershueren, co-metteur en scène de Hune (2021)
Note d'intention
Je n’ai pas toujours été à l’aise avec les escaliers.
Bambin, l’ascension est une épreuve qui nécessite tout son courage, sa force et son attention. Grimper ; je crois que c’est important quand on est enfant. On se confronte à son vertige, en faisant preuve d’agilité et d’ingéniosité. Adulte, on gravit les escaliers sans se poser aucune question, montant les marches par paquets pour atteindre son but dès que possible. On peut faire la course, rivaliser d’endurance, mais les marches réaniment parfois notre vigilance en nous faisant chuter. Elles sont une aventure du quotidien. Je reconnais mes amis et mes proches au bruit qu’ils font dans un escalier, certains ont la démarche lourde, d’autres sont plein d’entrain, certains se fatiguent vite et d’autres sifflent pendant l’ascension.
Nos corps impriment dans le temps une manière d’aborder les marches, et notre inconscient nous fait trébucher dans nos rêves. Nous connaissons ce sursaut qui nous ramène à la vie; moi , je tombe d’un escalier.
Les escaliers sont un lieu d’attente. Attendre faute de trouver un endroit plus approprié. Simplement ne rien faire; « zoner ». Ce mot exprime une errance ; une attente sans objectif. L’escalier prit à contre-pied, pour
stagner et non pour se deplacer. Assis, on devient un obstacle pour ceux qui y circulent. On est une entrave à la progression, comme les ‘‘zonards ‘‘ sont perçus comme entrave au progrès. Mais, progressivement , les escaliers deviennent mécaniques, on ne peux que continuer sa route. Même assis, on avance vers son futur incertain.
Hune se raconte sur un escalier. Deux hommes s’y sont arrêtés. Pourquoi ne pas rester là ? Ensemble. Cet escalier n’est qu’un passage pour eux, une transition entre haut et bas. Pourtant, ils craignent de laisser des choses derrière eux et commencent à douter de leur but.
C’est dans cet escalier qu’ils prennent du recul, et qu’ils considèrent cet espace de la ‘‘Hune’’ où ils peuvent faire escale. J’emprunte ce mot (Hune) au vocabulaire marin. C’est le nom donné à la plateforme située au milieu du mat, qui permet au marin de se reposer dans son ascension. La Hune est un observatoire de la vie humaine. C’est un lieu de repos, un endroit sensoriel où l’on apprécie le vent et ses murmures.
Enfin la Hune c’est l’occasion pour deux corps de ne faire qu’un, se lier, s’abandonner. L’abandon des corps pour parler des abandonnés, de ceux qu’on laisse derrière soi sans s’en rendre compte. L’expression « se livrer à corps perdu » résume bien le lâché prise qui résulte de ce spectacle, cette envie de soutenir
et d’être soutenu. Se livrer pour se délivrer de la solitude.
« Nous hissons enfin le pavillon noir, tels des pirates, nous avons décidé de ne plus emprunter les sentiers battus. Même si le courant nous renvoie en arrière, nous nous débattrons plus fort que jamais. Les escaliers ne nous forceront pas à avancer, nous tomberons peut-être mais nous tomberons ensemble. »
« On devrait apprendre à vivre davantage dans les escaliers. Mais comment ? » Georges Perec
Genèse
Comment réinvestir nos espaces de vie ? L’heure est au cloisonnement (pour ne pas dire au confinement) dans des maisons, immeubles, quartiers, villes sécurisées. Aussi, nous devons redonner un goût pour l’extérieur, pour nos espaces communs, pour les lieux que nous partageons sans le savoir. Le contexte sanitaire nous a séparé encore plus, établissant une nouvelle frontière entre nous et les autres. Il faudra du temps pour s’en remettre. Comment faire de nos escaliers des lieux où l’on vit, où l’on s’assoit, on discute, on mange, on fête ? Comme George Perec, je m’interroge sur la manière de vivre davantage dans nos escaliers. En m’intéressant à la Street Culture, j’y ai retrouvé cet appétit d’investir les lieux communs, de se tenir ensemble, autre part que chez soi. Lorsque nos lieux de vie ne sont pas agréables ou confortables, on sort plus volontiers dans notre quartier. Les graffitis sont aussi une manière de s’approprier les espaces publics, les rendant parfois plus accessibles, moins uniformes et austères. Ils sont une rébellion contre l’uniformisation, contre un urbanisme qui oublie ses habitants. Seulement comment aménager un espace commun sans avoir l’accord de l’entière communauté ? Impossible, l’un voudrait un terrain de foot, l’autre un jardin d’enfants, un parking ou une bande cyclable. Comment ces espaces peuvent-ils servir à plusieurs choses à la fois ? Comment un escalier peut-il n’être pas seulement un lieu de passage ? Les halls d’immeubles sont souvent des espaces de rassemblements. On y retrouve des gens assis dans les marches des cages d’escaliers. Ces rassemblements, à toute heure du jour et de la nuit, montrent que la volonté d’être ensemble débloque les contraintes de place et d’espace. L’escalier se transforme en lieu de discussion, en salle à manger ou en studio de musique. On y habite simplement. Aujourd’hui, il semble que nous donnions moins de valeur aux escaliers, nous les construisons étroits pour des espaces fonctionnels, et dès que possible nous privilégions les ascenseurs et les escalators. « Le temps c’est de l’argent ». Je crois, en effet, que le temps est précieux, mais pas précieux au sens monétaire. J’aime croire qu’on ne l’achète pas. Notre liberté c’est ce temps « libre » ou l’on n’est pas occupé à sur- vivre. J’aime l’expression « donner de son temps à quelqu’un » choisir de tenir compagnie à une personne, c’est lui offrir son temps. Ne fonçons pas tête baissée, esquivant les regards, jouant des coudes dans la foule. Donnons un peu de notre temps pour entrevoir l’architecture de notre monde, de notre quartier, de notre vie. S’émerveiller de la voir si complexe absurde et belle.
Tom Vershueren, co-metteur en scène de Hune (2021)
Le teaser de Hune (2021)
La presse en parle
Télérama (juin 2024)
"Issus du mimes, les deux interprètes, que l'on a pu voir avec la compagnie Adhok, croisent téâtre et dans urbaine. Epatant, émouvant et véloce, ils bouleversent par leur audace. Un spectacle fort, pur et sensible, accompagné par le non moins talentueux Eliot Maurel, au clavier ou en personnage complémentaire."
Journal de Saône et Loire (juillet 2023)
"Les deux héros nous font traverser leurs vies cabossées, en mêlant théâtre et danse. Parfaitement maîtrisée, leur danse sur escalier nous éveille et nous réveille. Leurs pensées sont justes, avec ce qu'il faut d'humour pour nous fire sourire sans oublier de réfléchir. À la façon d'un pantin désarticulé, ils frappent dans le mille."